En clair-obscur

Gérald Tenenbaum est mathématicien et chercheur, auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la théorie des nombres premiers. Ce nancéien est aussi un amoureux de la littérature qui publie son deuxième roman Le Geste aux éditions Héloïse d'Ormesson. Taraudé par la thématique du vide, de l'absence, de la quête de la mémoire, il livre ici un opus en demi-teinte, presqu'assourdi, un livre chuchoté où veillent encore les ombres du temps.

Le passé obsède Gérald Tenenbaum, le sien, ou plutôt celui de son héros, à qui il ne donne pas de nom mais qui est mathématicien comme lui et pourrait avoir sa silhouette, longue, empreinte de délicatesse et peut-être d'une certaine gaucherie. Et puis il y a les disparus de la Shoah, omniprésents, silence et douleur. Ils sont là à travers Kip, l'ami du héros, son refuge, enfant de déporté, porteur de chagrin et de culpabilité dont il reconstitue le passé, s'ingéniant à brouiller les pistes. La femme, c'est Léah et c'est Marie. L'une est libraire, une petite étoile en or jaillit de son décolleté chaque fois qu'elle se penche en avant, l'autre institutrice, appétissante. La femme aimée est partie, emportant avec elle jusqu'à son odeur. Par petites touches, pointillistes, Tenenbaum raconte " la blessure du vide ", les sensations anesthésiées, les couleurs affadies, la tentative de reconstruction inutile et vaine.

Avec finesse, il retisse et entrelace les fils du passé et du présent, tandis qu'on entend un solo de saxo de Charlie Parker ou l'écho d'une symphonie de Malher. Mélancolique, et subtil, entre l'oubli et le devoir de mémoire, Le Geste, roman d'amour, d'amitié, joue une petite musique intérieure troublante et attachante.

Gérald Tenenbaum sera présent à l'Eté du Livre.

Monique Raux
Paru le : 2006-05-14 00:00:00 (Magazine / 7hebdo)





 
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