Gérald Tenenbaum est mathématicien et chercheur, auteur
de
plusieurs ouvrages consacrés à la théorie des
nombres premiers. Ce nancéien est aussi un amoureux de la
littérature qui publie son deuxième roman Le Geste aux éditions
Héloïse d'Ormesson. Taraudé par la thématique
du vide, de l'absence, de la quête de la mémoire, il livre
ici un opus en demi-teinte, presqu'assourdi, un livre chuchoté
où veillent encore les ombres du temps.
Le passé obsède Gérald Tenenbaum, le sien, ou
plutôt celui de son héros, à qui il ne donne pas de
nom mais qui est mathématicien comme lui et pourrait avoir sa
silhouette, longue, empreinte de délicatesse et peut-être
d'une certaine gaucherie. Et puis il y a les disparus de la Shoah,
omniprésents, silence et douleur. Ils sont là à
travers Kip, l'ami du héros, son refuge, enfant de
déporté, porteur de chagrin et de culpabilité dont
il reconstitue le passé, s'ingéniant à brouiller
les pistes. La femme, c'est Léah et c'est Marie. L'une est
libraire,
une petite étoile en or jaillit de son décolleté
chaque fois qu'elle se penche en avant, l'autre institutrice,
appétissante. La femme aimée est partie, emportant avec
elle jusqu'à son odeur. Par petites touches, pointillistes,
Tenenbaum raconte " la blessure du vide ", les sensations
anesthésiées, les couleurs affadies, la tentative de
reconstruction inutile et vaine.
Avec finesse, il retisse et entrelace les fils du passé et du
présent, tandis qu'on entend un solo de saxo de Charlie Parker
ou l'écho d'une symphonie de Malher. Mélancolique, et
subtil, entre l'oubli et le devoir de mémoire, Le Geste, roman
d'amour, d'amitié, joue une petite musique intérieure
troublante et attachante.